Exote, oviri ou exilé ?

31 Mar
GAUGUIN P., Manao Tupapau( L'esprit des morts veille), huile sur toile, 1892, 45cmx38cm, Albright-Knox Art Gallery

GAUGUIN P., Manao Tupapau( L’esprit des morts veille), huile sur toile, 1892, 45cmx38cm, Albright-Knox Art Gallery

L’article L’exote, l’oviri, l’exilé : les singulières identités géographiques de Paul Gauguin a été rédigé par Jean François Staszak, à l’époque professeur de géographie à l’université Paris 1 et actuellement directeur du département Géographie à l’université de Genève. L’article est publié dans les Annales de géographie (2004, Volume 113 Numéros 638-639, Accès aux pages 363-384.). L’auteur a déjà rédigé Géographie de Paul Gauguin en 2003 ainsi que Gauguin voyageur. Du Pérou aux îles Marquises en 2006, deux ans après l’article que nous présentons.

Cet article est d’autant plus intéressant car nous avons la vision d’un géographe et  non pas d’un historien de l’art, ce qui nous offre un nouvel angle de vue sur le travail de l’artiste et sur la notion de primitivisme. Le résumé à la première page explique comment il va analyser son objet d’étude : les identités géographiques de Paul Gauguin.

Dans l’introduction (pages 364 à 366), il s’éloigne des considérations de ses confrères géographes et décide d’étudier les représentations et choix géographiques de Gauguin. Il développe trois points qui éclairent sa démarche :

–          L’identité doit être perçue comme une représentation de soi-même

–          Il faut prendre en considération les représentations sociales des individus

–          Le questionnement sur le rôle identitaire du territoire est une question à soulever

Il choisit d’étudier Gauguin, car son œuvre est l’expression de ses mondes spontanés et ses voyages lui permettent de composer son œuvre.

Jean François Staszak développe cinq chapitres :

–          L’aspiration de Gauguin à l’autre et à l’ailleurs (pages 366 à 370) : il explique ici que l’identité géographique du peintre à travers ses voyages en Bretagne, Martinique, à Tahiti ou encore aux Marquises ne prend pas la forme d’un enracinement mais d’une quête d’un ailleurs toujours inachevée. Il va étudier la quête de Gauguin grâce aux correspondances qu’il a tenu, à ses écrits, à son œuvre plastique et à ses voyages bien sûr. Le primitivisme de Gauguin se constitue aussi car il sait que le marché de l’art a besoin de nouveaux motifs et en faisant quelque chose de nouveau, il vendrait davantage. Il se sert alors des « ressources pittoresques de l’exotisme ». De plus, les arts « primitifs » ont selon lui beaucoup à apporter à son œuvre. Pour cela il doit se tenir éloigné de la civilisation et partir dans les terres qu’ils considèrent comme sauvages. Staszak en conclut que l’exotisme, le primitivisme et la quête intérieure de l’artiste sont liées.

–          Une invitation au voyage dans l’air du temps (pages 370 à 373) : l’auteur explique que le projet du peintre s’inscrit dans l’antimodernisme fin de siècle et dans l’insatisfaction assez commune à l’époque vis-à-vis de la société capitaliste. Tous les regards en 1880 sont tournés vers l’ailleurs. Gauguin est nourri par la culture de l’époque, la « manie de l’exotisme » en lien avec l’entreprise de colonisation et la découverte des peuples dits « sauvages » ou « non civilisés ». Sa quête d’un ailleurs lui vient de ses lectures, notamment Loti, le journal des voyageurs ainsi que les publications du Ministère des colonies. Il visite à plusieurs reprises la section coloniale de l’exposition universelle de 1889. On voit bien que la recherche de primitivisme de notre peintre se développe dans une période où l’exotisme colonial est une obsession pour nombre de gens. Gauguin ne peut voyager dans le temps mais chez ses peuples, il retrouve l’exotisme antérieur, l’aube de l’humanité. Tahiti est le paradis perdu qu’il recherche. Finalement, la recherche identitaire de Gauguin et par extension son primitivisme tient plus au temps qu’au lieu.

–          Tahiti : l’exotique et l’exil (pages 373 à 375) : le peintre va plus loin que les peintres orientalistes car son but est de découvrir par ses voyages une part de lui-même que l’Occident lui dissimule. Cependant l’auteur fait ressortir le fait qu’il se comporte comme un colon. En effet, il s’inspire des mythes et motifs polynésiens mais ne condamne pas l’entreprise coloniale.  A Tahiti, il veut faire croire au continent,  son identité maorie, qui en réalité n’existe pas vraiment. Il reste un européen mais grâce à la confrontation à l’autre, il compte devenir davantage lui-même. Il se frotte à un ailleurs et puise dans les ressources exotiques afin de renouveler sn œuvre.Il rentre dans le champ de l’histoire de l’art, moins par les ressources primitivistes qu’il va chercher mais davantage par son exil paraissant de l’extérieur pittoresque et prestigieuse.

–          Gauguin oviri ou exote ? (pages 375 à 377) : Ici Jean François Staszak explique la notion de « sauvage » chez Gauguin, le dernier paragraphe de la page 377 est particulièrement éclairant. Il est intéressant de voir que dans son œuvre Oviri, selon l’auteur, la prétention de Gauguin à se considérer comme un sauvage et les différentes facettes de son primitivisme peuvent se contredire. Il cherche à nous montrer le caractère occidental du primitivisme de Gauguin, je cite : « Le primitiviste n’est pas un peintre primitif, mais bien un artiste occidental ».

–          Les Marquises (pages 378 à 380) : Le portrait qu’on a dépeint de lui jusqu’ici change beaucoup. Aux Marquises, l’artiste s’investit pleinement contre le pouvoir colonial avec les Marquisiens, qui sont ici ses amis. Dans cette dernière phase de sa vie, il va peut utiliser les ressources « primitives ou sauvages » qu’il avait beaucoup exploité à Tahiti, l’auteur se demande si ce n’est pas car il a finalement fini par y trouver dans le peuple, son alter ego ? Il nous invite pour le constater à regarder ses autoportraits datant de 1896 ou 2003.

Pour la conclusion de l’ensemble de l’article, je vous conseille de consulter la page 381, car celle-ci est claire et concise. Pour ce qui est de la notion de « primitivisme » de Gauguin, celle-ci est vu sous un angle, qui nous semble plus atypique et c’est pour cela nous vous conseillons chaudement cet article.

NB : Le seul point négatif est que l’auteur écrit Baudelaire « Beaudelaire »…

Une démarche critiquée

30 Mar

GAUGUIN P., Otahi, 1893, huile sur toile,50 x73cm, Collection privée

Dans leur  ouvrage disponible sur Google Book , Multiculturalisme et identité en littérature et en art, paru en 2002 aux éditions de l’Harmattan, Sylvie André et Jacques Bessières ont regroupé des textes de chercheurs, d’universitaires et d’écrivains, présentés en français ou en anglais, qui illustrent l’interaction du multiculturalisme et de de la production artistique, sur tous les continents et dans tous les champs de la création. Tous les textes ne sont pas accessibles en ligne.

Dans la préface Sylvie André cadre le propos en définissant le multiculturalisme comme la fatalité du Nouveau Monde, née du colonialisme. L’art est le lieu du questionnement, à travers des Figures, tel Gauguin, des Formes et des Sciences.
Comment intégrer communautés et cultures ? Comment forger une identité collective ?
Les textes rassemblés alternent entre deux positions insuffisantes : la coexistence séparée et égalitaire des cultures et la « transculturalité ».

Le premier texte est consacré à la représentation du paradis terrestre chez Paul Gauguin, il est écrit par Shinegi Igama, docteur ès Lettres de l’Université de Paris VII et professeur à l’Université de Tokyo.
Écrivain, il est un spécialiste de la culture japonaise et des artistes français du XIXème siècle, dans un parcours multiculturel.
Dans ce texte, il relève la polémique que les féministes des années 90 ont soulevée. Pour elles la vie de Gauguin concrétise le fantasme occidental du paradis terrestre à l’époque impérialiste, elles dénoncent le mythe « primitiviste » de Gauguin qui s’appuie sur la domination d’un monde inconnu et le plaisir sexuel offert  par le corps des femmes au colonisateur.
Son art, par conséquence, doit être récusé car il contribue à faire accepter le colonialisme en légitimant trois délits : la prostitution, le mensonge et le pillage.

L’auteur va s’attacher à démontrer que la méthode de « pillage » dont Pissaro lui-même accuse Gauguin cache un ars combinatoria, qu’il définit par la notion de « créolisation des signes iconiques », qui rend compte de  la recherche multiculturelle de Gauguin.

Ce texte est très construit, précis, sans parti pris et il permet d’accéder à une bibliographie très riche sur la notion de « modernisme primitiviste ».

La peinture de Paul Gauguin

21 Mar

 Paul Gauguin élabore une nouvelle manière de peindre, notamment lors de ses voyages qu’il fera en quête d’une vie primitive. Le musée d’Orsay nous propose toute une série de notices sur les œuvres issues des collections.

Le musée nous donne ainsi une notice de l’œuvre Portrait de l’artiste au christ jaune (1890-1891), qui serait un manifeste de sa nouvelle quête vers l’homme sauvage, à la fois celui qu’il pense être, mais aussi celui qu’il cherchera lors de ses voyages en Polynésie. Cette idée est exprimée par la mise en abyme du tableau qui représente un autoportrait de l’artiste avec deux de ses œuvres au second plan : Christ jaune et Pot autoportrait en forme de tête de grotesque qui incarnerait le caractère sauvage de Gauguin.

L’œuvre Arearea (1892) fait l’objet d’une présentation qui met en valeur ses nouveaux procédés picturaux comme la superposition des plans, l’emploi de couleurs non naturalistes (comme avec la présence d’un chien rouge) mais aussi le traitement de nouveaux thèmes. En effet la notice évoque la représentation d’une vie primitive idéalisée ainsi que celle d’une religion primordiale fantasmée. L’approche personnelle de Paul Gauguin d’une vie primitive et des « naturels » (comme ils les appellent dans Noa Noa) se retrouve dans l’œuvre Les femmes de Tahiti (1891). Une fois rentré en France, Gauguin poursuit sa quête de primitivisme en Bretagne où il peintLe moulin David (1894).

Le cheval blanc (1898), réalisé lors de son second voyage en Polynésie poursuit l’utilisation de ces nouveaux procédés en proposant une vision onirique de la nature tahitienne puisqu’il peint par exemple un cheval vert et use du cloisonnisme qui exclut alors le ciel et l’horizon.

Paul Gauguin (1848-1903)Le cheval blanc1898Huile sur toileH. 140 ; L. 91,5 cm© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Gérard Blot

Paul Gauguin (1848-1903)
Le cheval blanc
1898
Huile sur toile
H. 140 ; L. 91,5 cm
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Gérard Blot

Ainsi l’approche de la vie primitive dans son œuvre picturale peut être directement mise en parallèle avec le récit qu’il fait de son voyage où il dépeint son approche de la vie locale. Pour en savoir plus sur les peintures qui véhiculent le primitivisme de Gauguin, vous pouvez consulter les notices du musée d’Orsay et visionner notre FlickrR.

La sculpture de Paul Gauguin

21 Mar

GAUGUIN P., entre 1891 et 1893, Tehura, masque en bois de pua polychrome, H. 0.222 ; L. 0.078 ; P. 0.126, musée d’Orsay, Paris, France.

 Une partie de la quête primitiviste de Gauguin s’exprime dans son travail de sculpture. Les notices du musée d’Orsay nous permettent d’approcher de façon plus précise ses oeuvres sculptées. Témoignent de ce travail Oviri, réalisée en 1892 où l’on voit un être surmonter le corps d’une louve morte. Il s’agit là d’une céramique , technique affectionnée par Gauguin car cela lui rappellerait son enfance au Pérou d’après des auteurs comme Alain Buisine (voir article WordPress). Cela conforte l’idée selon laquelle le primitivisme passerait aussi par un retour à l’enfance comme nous l’indiquait l’article de Jean Lacoste tiré de la Revue Sciences Humaines (n°227, 1993) (voir article WordPress).

Gauguin travaille aussi beaucoup le bois comme avec l’oeuvre Soyez mystèrieuses qu’il réalise en 1890 ou bien de façon plus tardive avec La maison du jouir. En effet Gauguin vécut les derniers mois de sa vie à Atuona, aux îles Marquises. Il orna la porte de la grande case sur pilotis d’un ensemble de panneaux sculptés à la taille directe, dans du bois de séquoia. L’oeuvre de la maison du jouir porte des inscriptions révélatrices de sa quête primitiviste, sous forme d’injonction : “Soyez amoureuses et vous serez heureuses”.

L’idole à la coquille est une oeuvre importante pour appréhender le primitivisme de Gauguin. Celui-ci déçu de l’absence d’objets authentiques en Polynésie, cherche à les fabriquer lui-même. Ainsi cette idole à la coquille réalisée à l’aide de nombreux matèriaux vise à matérialiser une image qui revient fréquemment dans l’oeuvre picturale polynésienne de Gauguin. En effet il représente souvent des idoles dans ses paysages, de même qu’il les évoque dans son ouvrage Noa Noa, alors que “Les sculptures maories qui peuplent ses toiles de 1892 sont de son invention puisqu’il ne reste plus d’oeuvres monumentales sur l’île  », nous dit le musée d’Orsay.

Pour en savoir plus sur les sculptures de Gauguin vous pouvez consulter les notices du musée d’Orsay ou bien l’article en PDF «  Gauguin, un sculpteur sauvage des tropiques  » qui, bien qu’il soit anonyme donc non fiable, propose une synthèse intéressante sur ce travail, notamment à partir du site du musée d’Orsay.

Notion de primitivisme dans l’art moderne

17 Mar
GAUGUIN P., La sieste, 1891-1892, huile sur toile, 87x116cm, Chicago, The Art institute

GAUGUIN P., La sieste, 1891-1892, huile sur toile, 87x116cm, Chicago, The Art institute

Le primitivisme dont s’inspire Gauguin est présent dans différents courants artistiques du XXème siècle comme le fauvisme ou le cubisme principalement.
Mais de quel primitivisme s’agit-il ?

C’est dans cet article que l’on peut tenter de trouver une réponse. Il ne parle pas du primitivisme chez Gauguin à proprement parler. Néanmoins il donne une approche globale du terme primitivisme, complexe et polysémique qui peut parfois porter à confusion et faire l’objet d’amalgames.
Julien Guilhem rédige cet article, c’est un doctorant en ethnologie. Il cite ses sources durant son argumentation qui est construite de manière très claire, ce qui rend la lecture facile.

L’auteur parle de Gauguin dans son paragraphe sur Le Pavillon de sessions. Enjeux d’une polémique.
En ce qui concerne les fauves leur perception est  différente de celle de Gauguin nous dit Julien Guilhem, « notamment par l’élargissement de leur vision ».
Néanmoins « Gauguin et les Fauves se retrouvent dans ce que Goldwater nomme un « primitivisme romantique » faisant l’apologie d’un être-ensemble communautaire et exotique. » Ici l’auteur nous donne une source qui peut être nécessaire, Le primitivisme dans l’art moderne de Robert Goldwater qui semble traiter du sujet qui nous intéresse.

Julien Guilhem parle également du primitivisme qui a inspiré Picasso : ainsi il met en rapport, implicitement, les fauves, les cubistes et Gauguin. Chacun se nourrit du primitivisme mais de manière différente et selon une sensibilité propre.

De plus, l’auteur énonce sa théorie sur l’apport du « primitivisme» dans l’art moderne avec un regard ethnographique ce qui nous donne un autre aspect de l’art de Gauguin et plus largement interroge la notion de primitivisme. Il se questionne aussi sur le rôle actuel des musées par rapport à la thématique de l’art primitif, dans une approche critique de ce qui est appelé « art primitif ».

Les données bibliographiques sont intéressantes à la fin de l’article, elles permettent de donner des sources si le lecteur souhaite approfondir ses recherches.

Gauguin et Tahiti

16 Mar

GAUGUIN P., Mahana no atua (Le jour de Dieu),  1894, Huile sur toile, 68,3cmx91,5cm, Chicago, Art Institute

Cet article est rédigé par Philippe Peltier (un géographe français), publié dans la revue Art Tribal (été automne 2003), à l’occasion d’une exposition sur Gauguin au Grand Palais.

Il est intéressant car il met l’art de Gauguin en rapport avec ce qu’il vit sur place, au contexte historique et géographique. L’article porte essentiellement sur le séjour de Gauguin à Tahiti, puisque c’est le sujet de l’exposition.

Philipe Peltier parle des désillusions de Gauguin lorsqu’il se rend à Tahiti et qu’il rencontre une société colonialiste et non pas sauvage. Ainsi il nous permet de sortir de l’approche fantasmée de certains articles sur internet, il reste dans une position neutre et mesurée.

De plus, il émet quelques réserves sur l’art de Gauguin, sans le critiquer pour autant, seulement en replaçant les faits dans leur contexte : « on ne s’étonnera donc pas de trouver des références faites d’amalgames ou de transformations ».

Les images de cet article illustrent le rapport de Gauguin avec les peuples qu’il rencontre ; ce qui nous permet de visualiser dans quel environnement Gauguin cherche à s’insérer et à créer.

En outre, Philipe Peltier ne présente pas seulement les œuvres de Gauguin mais il les met en parallèle avec les œuvres de cette époque, exemples concrets de ce qui a pu inspirer Gauguin. C’est ainsi que l’article parle d’un « musée portatif » que Gauguin emporte lors de son voyage : il démontre la richesse des sources de l’art de primitif de Gauguin, les différents domaines où il puise son inspiration.

« Cette condensation cache toute une réflexion sur l’histoire, l’origine des peuples et un commentaire sur la naissance du sentiment religieux, problème qui intéresse Gauguin au plus haut point. »

Gauguin veut sauver ces populations de l’oubli, afin d’exprimer l’ « universalité de l’humanité ». L’article ici met en avant le fait que la démarche de Gauguin dépasse la création artistique, l’artiste cherche à témoigner de l’existence d’une civilisation, de sa richesse et veut aller contre les préjugés de son époque.

L’article semble très sérieux et apparait comme une source fiable concernant le rapport de Gauguin au primitivisme.

La notion de primitivisme

15 Mar
Soyez mystérieuses

Paul Gauguin (1848-1903)
Soyez mystérieuses
1890
Bas-relief en bois de tilleul polychrome
H. 73 ; L. 95 ; P. 5 cm
Paris, musée d’Orsay

Dans La Revue des Sciences humaines, n°227 écrit en 1992-93 se trouve un appendice qui traite de la notion de « primitivisme », écrit par Jean Lacoste, essyiste germaniste français. Il avance l’idée que le primitivisme serait pour les artistes une sorte d’enfance de l’art, ce serait « la quête d’un ailleurs de la civilisation occidentale ». Ce serait la recherche d’une vie originelle, proche de la nature motivée par le sentiment de décadence des civilisations « historiées ». Ainsi l’article met bien en évidence l’importance du voyage dans la primitivisme, qui est justifié par cette quête.

Larticle de Thierry Dufrêne qui fait un résumé de l’ouvrage de Philippe Dagen Le peintre, le poète, le sauvage. Les voies du primitivisme dans l’art français, Flammaraion, 1998, vient éclairer la tentative de définition de cette notion en nous montrant que le primitivisme n’est pas une notion propre à Gauguin. En effet our Dagen le primitivisme était quelque chose de très répandu parmi les milieux artistes, il parle même de mode, entre 1880 et 1910. Finalement le primitivisme se situerait davantage dans une atmosphère, une façon d’appréhender l’environnement plutôt que l’interrogation en profondeur de l’altérité. Il y aurait ainsi peu d’influence directe de ces contacts avec la vie dite primitive sur l’art finalement. L’auteur conclut sur le fait que qu’il faut davantage se pencher sur l’approche primitiviste en art et non pas se laisser tenter par une explication d’ordre littéraire qui viendrait fausser notre compréhension du primitivisme à l’époque de Gauguin.

Si vous voulez approfondir votre approche de la notion de primitivisme afin de mieux comprendre dans quelle mouvance se situe la démarche de Gauguin, vous pouvez consulter les deux articles mis en ligne : d’abord celui de laRevue des Sciences humaines mais aussi le résumé de Thierry Dufrêne tous deux mis en ligne intégralement sur Persée.

 

La vision du sermon

10 Mar
GAUGUIN, Vision du sermon ou la lutte de Jacob avec l'ange, 1888, oil on canvas, 72.20 par 91 cm, National Gallery, Edimbourg.

GAUGUIN, Vision du sermon ou la lutte de Jacob avec l’ange, 1888, oil on canvas, 72.20 par 91 cm, National Gallery, Edimbourg.

Gauguin au début de l’été 1888 réalise une toile radicalement différente d’un point de vue plastique et symbolique.  Le peintre joint ici le sacré et le profane et est loin d’une représentation réaliste, il fait plutôt ce qu’on peut appeler « une projection de son imaginaire ». C’est une première étape pour le symbolisme en peinture, en effet, il ne fait pas de distinction entre le contenu, traité d’une manière symbolique, et son expression formelle : c’est la naissance du synthétisme. Nous vous conseillons de consulter le dossier de presse de l’exposition «  Paul Gauguin La vision du sermon, l’invention du synthétisme »  ayant eu lieu au musée des Beaux-Arts de Quimper du 6 mars au 1er juin 2009, car il explique toutes les facettes de cette toile de manière très précise.  L’auteur de l’article n’est pas précisé, mais les informations proviennent du musée des Beaux-Arts donc sont à prendre en compte. De plus, à l’occasion de cette exposition temporaire, le musée (auteurs : Jean Philippe Brumeaux, animateur du patrimoine, Didier Frouin, conseiller départemental arts plastiques, Nathalie Gallissot, conservateur au musée des Beaux-Arts et Yvon Le Bras, conseiller relais (DAAC)) a réalisé un dossier pour les enseignants  qui nous montre que Gauguin s’est inspiré pour la composition d’un bois gravé d’Hiroshige « Pruniers en fleur, Kaméido », ce qui révèle les nombreux emprunts que fait l’artiste à différentes cultures et civilisations.

C’est le symbolisme développé dans la toile, qui nous permet ici de parler de son primitivisme car c’est grâce à celui-ci que le peintre, tout au long de son œuvre,  va pouvoir intégrer des sujets peu traités dans la peinture occidentale ainsi que des formes issues de civilisations non occidentales.  Cette toile, comme nous l’explique Barthélémy Jobert (actuellement professeur d’histoire de l’art (patrimoine) à l’université Paris-Sorbonne) dans son article « La vision après le sermon ou la lutte de Jacob avec l’ange (P. Gauguin) » sur le site d’encyclopédie universalis peut se voir  d’après ce que nous venons d’expliquer « comme un jalon capital de son primitivisme ». 

L’étape bretonne

10 Mar
GAUGUIN, Paul, La Belle Angèle, 1889, huile sur toile, 92 x 73 cm, Musée d’Orsay, Paris.

GAUGUIN, Paul, La Belle Angèle, 1889, huile sur toile, 92 x 73 cm, Musée d’Orsay, Paris.

Gauguin se rend plusieurs fois en Bretagne, il voyage pour la première fois à Pont Aven en 1886 et s’y rendra encore trois fois, son dernier séjour datant de 1895. Nous vous renvoyons pour plus de détails à la chronologie de ces voyages,  particulièrement bien détaillée dans cet article (sous forme de tableau) : Voyage et circulation des images : du Tahiti de Loti et Gauguin à celui des voyagistes, rédigé par Jean- François Staszak,  maître de conférences en géographie à l’Université Paris 1.disponible sur le site Cairn.info.

Le peintre recherche en  Bretagne une civilisation encore peu influencée par le monde moderne, ainsi il pourra développer une nouvelle forme de peinture et de sculpture. Dans l’article d’encyclopédie universalis nommée « Gauguin et le primitivisme », Barthélémy Jobert, actuellement professeur d’histoire de l’art (patrimoine) à l’université Paris-Sorbonne,  nous rapporte cette citation de 1888 de Gauguin :  « J’aime la Bretagne : j’y retrouve le sauvage, le primitif. Quand mes sabots résonnent sur ce sol de granit, j’entends le son sourd, mat et puissant que je cherche en peinture. » La quête de Gauguin vers un ailleurs traditionnel a déjà commencé. Etant étudiant à l’université, nous pouvons accéder gratuitement à l’encyclopédie, mais il se peut que sans abonnement, il vous soit impossible d’atteindre les références que nous vous joignons.

GAUGUIN P., Le Christ jaune, 1889, huile sur toile, 92 x 73 cm, Albright-Knox Art Gallery, Buffalo© Web Gallery of Art, created by Emil Krén and Daniel Marx.

GAUGUIN P., Le Christ jaune, 1889, huile sur toile, 92 x 73 cm, Albright-Knox Art Gallery, Buffalo
© Web Gallery of Art, created by Emil Krén and Daniel Marx.

En guise de conclusion pour cet article, nous vous conseillons les premières lignes de ce PDF wordpress, nous ne connaissons pas son auteur mais les informations sont, nous semblent-ils, fiables.  Y est évoqué pourquoi sa toile Le Christ jaune est emprunte de primitivisme.

« Géographies de Gauguin »

10 Mar

GAUGUIN P., La Orana Maria, 1891, Huile sur toile, New York, Met

ID_ARTICLE=SR_021_0079&DocId=172896&Index=%2Fcairn2Idx%2Fcairn&TypeID=226&BAL=anL8oAHv0OwQY&HitCount=16&hits=25a6+211c+211b+2055+2054+1ef3+1ef2+1ee6+1ee5+7fa+33b+28e+14+13+11+10+0&fileext=html »>Cet article est écrit par Jean- François Staszak, qui est maître de conférences en géographie à l’Université Paris 1. Il a notamment publié Géographies de Gauguin (Bréal, 2003). L’auteur met ici en jeu le rapport entre les représentations du voyageur et la réalité géographique. Il s’intéresse tout particulièrement à une destination : Tahiti.

Son approche et quasi sociologique mais aussi culturelle et c’est en cela qu’elle apporte des éléments très intéressants et originaux pour notre propos. JF Staszac explique que les représentations occidentales de Tahiti appartiennent à un imaginaire stéréotypé qui s’est renforcé au 19ème siècle. L’auteur rend ainsi compte des diverses destinations où se rend Gauguin (« toujours au sein de l’Empire colonial français »), où il réside pour un temps indéterminé et « afin d’en exploiter les ressources pour son art ». Mais pour JF Staszac la démarche de Gauguin relève plus de celle du colon que celle du voyageur. Il met ici l’accent sur l’aspect politique de la démarche de Gauguin en précisant son rôle d’artiste officiel, même s’il souhaite se démarquer de Loti. La démarche de Gauguin s’inscrirait dans une quête romantique (antimoderniste) mais il serait également à la recherche d’une sorte de Paradis.

Après s’être intéressé à ses voyages et à son imaginaire, l’auteur  s’attarde sur le contexte de circulation des images à la fin du 19ème siècle. L’approche historique et sociale de JF Staszac apporte alors ici des renseignements majeurs.

Puis il parle dans un dernier temps d’un fait plus contemporain : l’image de Tahiti aujourd’hui. L’image véhiculée par les artistes, dont Gauguin, de Tahiti a contribué au développement de son tourisme, son attraction économique. L’auteur donne ici une vision autre qu’artistique de l’art de Gauguin. Tout au long de son article il met en parallèle l’art de Gauguin avec divers domaines et ne le détache jamais du contexte dans lequel il s’inscrit. Pour appréhender de façon plus approfondie cet aspect du primitivisme de Gauguin, vous pouvez consulter l’article sur Cairn.